Dans l’exercice de leurs fonctions publiques, les Ă©lus locaux font face Ă des situations dĂ©licates oĂč leurs intĂ©rĂȘts personnels peuvent entrer en interfĂ©rence avec l’intĂ©rĂȘt public. La loi du 11 octobre 2013 relative Ă la transparence de la vie publique a prĂ©cisĂ© le cadre juridique applicable aux conflits d’intĂ©rĂȘts dans les collectivitĂ©s territoriales.
DĂ©finition juridique du conflit d'intĂ©rĂȘt pour les Ă©lus municipaux
La notion d'interférence selon l'article 2 de la loi
L’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative Ă la transparence de la vie publique dĂ©finit prĂ©cisĂ©ment le conflit d’intĂ©rĂȘts : « constitue un conflit d’intĂ©rĂȘts toute situation d’interfĂ©rence entre un intĂ©rĂȘt public et des intĂ©rĂȘts privĂ©s qui est de nature Ă influencer ou paraĂźtre influencer l’exercice indĂ©pendant, impartial et objectif d’une fonction« .
Bon Ă savoir : Cette dĂ©finition s’applique Ă tous les Ă©lus locaux, qu’il s’agisse du maire, des conseillers municipaux ou des membres d’autres organes de la collectivitĂ© territoriale.
Les différents types d'interférences
Distinction entre conflit d'intĂ©rĂȘt et dĂ©lit de prise illĂ©gale d'intĂ©rĂȘts
Le dĂ©lit de prise illĂ©gale d'intĂ©rĂȘts selon l'article 432-12 du code pĂ©nal
L’article 432-12 du code pĂ©nal sanctionne le dĂ©lit de prise illĂ©gale d’intĂ©rĂȘts. Cette infraction vise toute personne dĂ©positaire de l’autoritĂ© publique qui prend, reçoit ou conserve, directement ou indirectement, un intĂ©rĂȘt dans une entreprise ou une affaire dont elle a la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement.
Astuce : La diffĂ©rence principale rĂ©side dans le fait que le conflit d’intĂ©rĂȘts nĂ©cessite une dĂ©claration prĂ©alable et un dĂ©port, tandis que la prise illĂ©gale d’intĂ©rĂȘts constitue un dĂ©lit passible de sanctions pĂ©nales.
Les sanctions encourues
- Emprisonnement : jusqu’Ă 5 ans
- Amende : jusqu’Ă 500 000 euros
- Interdiction des droits civiques
- Confiscation des sommes ou biens perçus
Obligations et procédures pour les élus municipaux
La dĂ©claration obligatoire de conflit d'intĂ©rĂȘts
Selon l’application de la loi, tout Ă©lu local qui se trouve dans une situation de conflit doit :
- Déclarer immédiatement cette situation
- S’abstenir de participer aux dĂ©bats
- Ne pas prendre part au vote de la délibération
- Quitter la salle lors du vote
Remarque : Cette procĂ©dure de dĂ©port s’applique Ă©galement aux agents publics et aux titulaires d’une dĂ©lĂ©gation de service public.
Le rÎle du référent déontologue
La loi 3ds a renforcĂ© le dispositif de prĂ©vention des conflits d’intĂ©rĂȘts. Les collectivitĂ©s locales peuvent dĂ©sormais s’appuyer sur un rĂ©fĂ©rent dĂ©ontologue pour :
- Conseiller les élus en amont
- Analyser les situations complexes
Proposer des mesures nécessaires
Spécificités selon la taille de la commune
Communes de moins de 3 500 habitants : des exceptions encadrées
Pour les communes de moins de 3 500 habitants, certaines dispositions particuliĂšres s’appliquent :
Bon à savoir : Ces exceptions ne dispensent jamais de la déclaration de la situation et restent soumises au contrÎle de légalité.
Application dans les intercommunalités
Les nouvelles rĂšgles s’appliquent Ă©galement au sein des Ă©tablissements publics de coopĂ©ration intercommunale. Un conseiller municipal siĂ©geant dans un organisme intercommunal doit prĂ©venir les conflits d’intĂ©rĂȘts Ă tous les niveaux.
Prévention et bonnes pratiques
Identifier les situations Ă risque
La prĂ©vention passe par l’identification prĂ©coce des situations problĂ©matiques :
⹠Activité professionnelle dans le secteur privé
âą Participation Ă des associations locales
âą IntĂ©rĂȘts familiaux ou patrimoniaux
⹠Relations avec des personnes morales contractant avec la collectivité
Le contrÎle par la haute autorité pour la transparence de la vie publique
L’autoritĂ© pour la transparence de la vie publique exerce un contrĂŽle sur l’application des rĂšgles. Elle peut :
- Examiner les dĂ©clarations d’intĂ©rĂȘts
- Formuler des recommandations
- Saisir le procureur en cas d’infraction
Astuce : La dgcl (direction gĂ©nĂ©rale des collectivitĂ©s locales) publie rĂ©guliĂšrement des documents d’aide Ă l’application des rĂšgles.
Cas pratiques et situations fréquentes
Le maire face aux conflits d'intĂ©rĂȘts
Le maire, en tant que président du conseil municipal, doit adopter une vigilance particuliÚre :
- Déléguer la présidence en cas de conflit
- Informer le conseil de sa situation
- Documenter sa décision de déport
Ăvolutions rĂ©centes et perspectives
Impact de la loi 3ds sur les collectivités territoriales
La loi 3ds de février 2022 a apporté des modifications importantes :
- Renforcement du contrĂŽle
- Nouvelles obligations déclaratives
- Extension du champ d’application
Recommandations pratiques
Pour prĂ©venir efficacement les conflits d’intĂ©rĂȘts :
- Sensibiliser l’ensemble des Ă©lus dĂšs le dĂ©but du mandat
⹠Mettre en place des procédures claires
⹠Documenter systématiquement les situations de déport
âą Solliciter l’avis du rĂ©fĂ©rent dĂ©ontologue
Remarque : La jurisprudence administrative et pĂ©nale continue d’affiner l’interprĂ©tation de ces rĂšgles, nĂ©cessitant une veille juridique constante.
La gestion des conflits d’intĂ©rĂȘts dans une commune nĂ©cessite une approche prĂ©ventive et rigoureuse. Les Ă©lus locaux doivent intĂ©grer ces rĂšgles dans leur pratique quotidienne pour prĂ©server la transparence de la vie publique et Ă©viter les risques pĂ©naux. L’accompagnement juridique permet d’apprĂ©hender ces enjeux complexes et d’adopter les bonnes pratiques adaptĂ©es Ă chaque situation.
Questions fréquentes des élus municipaux
Puis-je voter une délibération concernant mon quartier ?
Cela dĂ©pend de l’existence d’un intĂ©rĂȘt personnel direct ou indirect. La simple rĂ©sidence dans une zone ne constitue pas automatiquement un conflit.
Comment gérer les contrats avec des entreprises locales ?
Tout lien avec le dirigeant ou un intĂ©rĂȘt dans l’entreprise impose le dĂ©port. La transparence reste la rĂšgle fondamentale.